Parce demain, il faudra vivre encore. Dialogue avec mon amazone d'instinct de survie
Citation de Charlotte Cruz le janvier 21, 2025, 11:21 pm- Parce que demain, il faudra vivre encore… me murmure la femme en pagne de feuille de bananier.
La jungle vrombit autour d’elle, le vert luxuriant de la végétation contraste avec la ligne rouge sang qui court sur ses pommettes et relie ses tempes, encadrant son regard puissant. Partout où je vais, elle me suit. J’ai beau plonger dans le chant des oiseaux, le bruit de la pluie, les ricochets des cascades, elle est là, toujours derrière moi, sa lance plantée entre terre et air, un sourire ténu sur ses lèvres fines, tantôt murmure tantôt cri :
- Parce que demain, il faudra vivre encore…
Basta ! Je me retourne et lui insuffle mon air :
- Il faut ? Vivre encore ? Où est le temps où la joie de vivre n’égalait aucune autre sensation ? Change de discours, rends-moi la liberté… J’ai des autels en ton nom, je t’honore chaque matin, toi qui protèges la tribu, leurs corps et le mien… En bonne sécurité physique, tu fais vaciller mon mental… Tu n’es qu’une chimère de mes succès… Arrête d’être mon ombre, je veux changer.
Elle sourit doucement, étirant sa bouche et hochant la tête tranquillement. J’enchaîne :
- Pourquoi aujourd’hui vivre au-delà de mon quotidien, simple, joyeux et généreux, est-il déjà si souvent bien trop intense ? Un petit grain de sable, un petit grain de sel et tout peut basculer à contre-courant maritime de mes envies choisies. Alors quand le vent de travers se lève, je subis. La coupe est pleine, le seau déborde, la goutte de trop… Quand je n’arrive plus à vivre au-dessus, quand je m’effondre sous l’effervescence des jours communs, s’enclenche dans ma tête un goutte-à-goutte de rien, le vide dans l’esprit, cardiogramme plat, plus de battements, plus de battements, plus de bruit, disparaître, se mettre à l’abri, sortir de la vie, le temps d’une pause sans sinusoïde, plus d’amplitude, plus d’oscillation, plus d‘hésitation, direction le silence, l’apaisement. Arrêter de fonctionner. Ici et maintenant. Terminé. Juste quelques instants… Est-ce aussi ça, l’instinct de survie ?
Elle s’approche et pose une main sur mon épaule, elle m’entraîne vers une petite plage naturelle en graviers fins au bord de la rivière. Les reflets dorés accueillent les larmes de fatigue, d’hypersensibilité et d’hypervigilance dans mes errances… Avec la pointe de sa lance, elle trace les visages de mes aïeux et murmure le mot “lignée”.
Je sens alors mes viscères se mettre à vibrer, ça bouge de dedans. Agités, tous ces combats qui macèrent. La parole monte en moi et s’ouvre, accueillie par le flot d’une cascade qui couvre mes mots :
- Femmes du monde et de la terre, libérez mes instincts, insufflez la confiance que, comme vous, quoi qu’il arrive, je survivrai. Sans vous, j’ai peur, ma force vient de vos violences, je ferai justice à vos voix muettes, je ferai la nique à vos destinées ratiboisées en déployant ma liberté. Mais pour y arriver, j’ai besoin que vous m’aidiez, à travers les ères et les destinées, ne vous éloignez pas, continuez à instruire dans mes lignées, les forces du passé. J’irai puiser en vous l’énergie de la vie, non plus celle de la survie.
La femme au visage peint m’enlace et me berce quelques instants. Sa main caresse mes cheveux, je me détends. Nous sommes assises sur le sable grossier, les pieds dans le courant. Du bout du doigt, elle trace des lettres que je ne reconnais pas : T, R, A, U, M, A. J’entends des pas. Je serre les dents, le corps, les visions, les mémoires et les frissons s’installent dans mon corps, de la tête aux pieds. Larmes qui serrent les canaux lacrymaux, ça s’embouteille dans la mémoire. Vide, néant. Je n’ai pas d’image mais mon corps court devant, dans l’immobilité d’une stupéfaction. Je frissonne, encore, encore, élève ton nœud de ma patte, basta, bas les pattes ! Si tu ne veux pas te dévoiler, va te noyer !
Dans un élan de survie instinctif, je cours dans l’eau, me laver, me délaver. La femme entre aussi, la rivière lui enserre les hanches. Elle passe sa main dans mon dos et frotte ma peau. Elle nettoie et rend à l’eau ce qu’on ne connaît pas.
Elle chante désormais :
- Instinctus, invictus, stinguere, supervivere…
Invaincue, je frissonne encore. La fatigue me gagne, bâillement… Je m’accroche à elle et soupire :
- Sans toi je ne suis pas, autant m’endormir ici pour toujours et saisir le néant comme roue de secours. Reste.
Je te rends grâce, je te pardonne et te remercie, toi mon instinct de survie.Elle me dit qu’elle sera toujours là, dans l’ombre de mes pas, mais que plus jamais son chant ne couvrira celui des oiseaux, du vert luxuriant, du bruit de la pluie ou du ricochet des cascades. Elle est là. Elle me murmure tout bas :
- Hormones, tout va bien. Hors normes, tout va bien. Le danger n’est pas ailleurs que dans ton anxiété et tes récepteurs à cortisol sont abîmés. Rassure-toi, la voie est là. Accroche-toi à moi, je t’emmène en forêt retrouver ton instinct sauvage qui saura te libérer.
J’emboîte son pas. Redressée. Fière. Apaisée. Au loin, je vois deux yeux briller dans la forêt, ils attendent mon retour en territoire apaisé : les yeux soleil de ma fille merveille et son instinct miniature du mien qui veille sur elle.
- Parce que demain, il faudra vivre encore… me murmure la femme en pagne de feuille de bananier.
La jungle vrombit autour d’elle, le vert luxuriant de la végétation contraste avec la ligne rouge sang qui court sur ses pommettes et relie ses tempes, encadrant son regard puissant. Partout où je vais, elle me suit. J’ai beau plonger dans le chant des oiseaux, le bruit de la pluie, les ricochets des cascades, elle est là, toujours derrière moi, sa lance plantée entre terre et air, un sourire ténu sur ses lèvres fines, tantôt murmure tantôt cri :
- Parce que demain, il faudra vivre encore…
Basta ! Je me retourne et lui insuffle mon air :
- Il faut ? Vivre encore ? Où est le temps où la joie de vivre n’égalait aucune autre sensation ? Change de discours, rends-moi la liberté… J’ai des autels en ton nom, je t’honore chaque matin, toi qui protèges la tribu, leurs corps et le mien… En bonne sécurité physique, tu fais vaciller mon mental… Tu n’es qu’une chimère de mes succès… Arrête d’être mon ombre, je veux changer.
Elle sourit doucement, étirant sa bouche et hochant la tête tranquillement. J’enchaîne :
- Pourquoi aujourd’hui vivre au-delà de mon quotidien, simple, joyeux et généreux, est-il déjà si souvent bien trop intense ? Un petit grain de sable, un petit grain de sel et tout peut basculer à contre-courant maritime de mes envies choisies. Alors quand le vent de travers se lève, je subis. La coupe est pleine, le seau déborde, la goutte de trop… Quand je n’arrive plus à vivre au-dessus, quand je m’effondre sous l’effervescence des jours communs, s’enclenche dans ma tête un goutte-à-goutte de rien, le vide dans l’esprit, cardiogramme plat, plus de battements, plus de battements, plus de bruit, disparaître, se mettre à l’abri, sortir de la vie, le temps d’une pause sans sinusoïde, plus d’amplitude, plus d’oscillation, plus d‘hésitation, direction le silence, l’apaisement. Arrêter de fonctionner. Ici et maintenant. Terminé. Juste quelques instants… Est-ce aussi ça, l’instinct de survie ?
Elle s’approche et pose une main sur mon épaule, elle m’entraîne vers une petite plage naturelle en graviers fins au bord de la rivière. Les reflets dorés accueillent les larmes de fatigue, d’hypersensibilité et d’hypervigilance dans mes errances… Avec la pointe de sa lance, elle trace les visages de mes aïeux et murmure le mot “lignée”.
Je sens alors mes viscères se mettre à vibrer, ça bouge de dedans. Agités, tous ces combats qui macèrent. La parole monte en moi et s’ouvre, accueillie par le flot d’une cascade qui couvre mes mots :
- Femmes du monde et de la terre, libérez mes instincts, insufflez la confiance que, comme vous, quoi qu’il arrive, je survivrai. Sans vous, j’ai peur, ma force vient de vos violences, je ferai justice à vos voix muettes, je ferai la nique à vos destinées ratiboisées en déployant ma liberté. Mais pour y arriver, j’ai besoin que vous m’aidiez, à travers les ères et les destinées, ne vous éloignez pas, continuez à instruire dans mes lignées, les forces du passé. J’irai puiser en vous l’énergie de la vie, non plus celle de la survie.
La femme au visage peint m’enlace et me berce quelques instants. Sa main caresse mes cheveux, je me détends. Nous sommes assises sur le sable grossier, les pieds dans le courant. Du bout du doigt, elle trace des lettres que je ne reconnais pas : T, R, A, U, M, A. J’entends des pas. Je serre les dents, le corps, les visions, les mémoires et les frissons s’installent dans mon corps, de la tête aux pieds. Larmes qui serrent les canaux lacrymaux, ça s’embouteille dans la mémoire. Vide, néant. Je n’ai pas d’image mais mon corps court devant, dans l’immobilité d’une stupéfaction. Je frissonne, encore, encore, élève ton nœud de ma patte, basta, bas les pattes ! Si tu ne veux pas te dévoiler, va te noyer !
Dans un élan de survie instinctif, je cours dans l’eau, me laver, me délaver. La femme entre aussi, la rivière lui enserre les hanches. Elle passe sa main dans mon dos et frotte ma peau. Elle nettoie et rend à l’eau ce qu’on ne connaît pas.
Elle chante désormais :
- Instinctus, invictus, stinguere, supervivere…
Invaincue, je frissonne encore. La fatigue me gagne, bâillement… Je m’accroche à elle et soupire :
- Sans toi je ne suis pas, autant m’endormir ici pour toujours et saisir le néant comme roue de secours. Reste.
Je te rends grâce, je te pardonne et te remercie, toi mon instinct de survie.
Elle me dit qu’elle sera toujours là, dans l’ombre de mes pas, mais que plus jamais son chant ne couvrira celui des oiseaux, du vert luxuriant, du bruit de la pluie ou du ricochet des cascades. Elle est là. Elle me murmure tout bas :
- Hormones, tout va bien. Hors normes, tout va bien. Le danger n’est pas ailleurs que dans ton anxiété et tes récepteurs à cortisol sont abîmés. Rassure-toi, la voie est là. Accroche-toi à moi, je t’emmène en forêt retrouver ton instinct sauvage qui saura te libérer.
J’emboîte son pas. Redressée. Fière. Apaisée. Au loin, je vois deux yeux briller dans la forêt, ils attendent mon retour en territoire apaisé : les yeux soleil de ma fille merveille et son instinct miniature du mien qui veille sur elle.