Le nord n'existe pas
Citation de Charlène le janvier 13, 2025, 10:56 pmJe vis dans une boule à facettes, chaque limite ne disparait que pour laisser place à une autre. Aucun livre n’explique comment se libérer de ce kaléidoscope, formé par des miroirs qui me reflètent, sans jamais être vraiment moi. Je voudrais sortir de cette boule, mais chaque face m’y ramène inéluctablement, me projetant au mieux vers une autre.
Les liens qui enserrent les limites que je me fixe sont plus serrés à chaque tour sur moi-même. J’ai vu les trente-six facettes, et après ? Je suis fatiguée de jouer de la lyre pour des idéaux qui ne m’entendent pas. Je suis fatiguée de cette litanie que je me sers sur qui je suis et qui je peux être.
Je veux casser les codes, briser les murs et attaquer chacune de ces facettes au piolet. Le plafond de verre qui me maintient dans ma condition de femme. Les lianes du capitalisme qui se resserrent jusqu’à étouffer mes véritables désirs. Femme-lige, servante de tous les idéaux et de tous les capitaux. Les murs capitonnés, recouverts de faux cuir, je veux les déchirer avec mes crocs, afin qu’ils portent ma marque. Car ce n’est pas dans leur simili-confort que je peux m’épanouir. Ils étouffent le son de l’extérieur, ils ligaturent le monde auquel j’ai accès.
Je repousse souvent les murs et la bulle s’épanouit, mais je reste toujours enfermée dedans. Je suis fatiguée de ne pas pouvoir en sortir. Dur de s’affranchir de ce carcan, des limites qu’on s’est construites. Et, quand je finis par peindre l’une des facettes, celle-ci ne me renvoie plus mon reflet, uniquement celui que j’ai voulu y apposer, jusqu’à ce que la couleur passe et que j’y retrouve mon visage.
Pire, elles agissent parfois comme une mise en abime, ne me laissant plus libre de les distinguer les unes des autres et me laissant perdue. Mes limites, j’aurais aimé les construire à partir de rien. Prendre une direction et faire demi-tour quand elle ne me plait plus, jusqu’à me retrouver dans l’endroit qui serait le meilleur compromis pour moi-même. À la place, je rampe comme une limace, laissant une trace baveuse à la surface des éternelles mêmes facettes.
Mais comment quitte-t-on ces sphères ?
Je suis fatiguée des bains de foule pour soigner mon âme. Je suis fatiguée de la solitude qui m’enfonce plus profondément dedans. Alors j’ai commencé à créer des éclats, des petites fissures, des brèches dans chacune des facettes. Je ne vois pas toujours au travers, mais je les abime pour qu’elles aussi subissent ce sort.
Et au travers des brèches, l’air (l’air !) rentre et fait voler mes cheveux en tout sens. L’air du dehors change mon apparence et modifie le visage qui se reflète dans ces multiples facettes. Il sent parfois le printemps, il sent surtout l’espoir et la liesse qu’il existe quelque chose au-dehors. L’imagination repousse mes limites et les rend supportables, elle gomme les lignes pour en faire des zones floues.
Alors je danse dans ma boule à facettes et parle au monde au travers de l’une ou de l’autre. Je m’en amuse plus qu’elles ne m’incommodent, maintenant que je sais quelle liberté les accompagne.
Elles me protègent et me fournissent un vaisseau avec lequel voguer sur les flots déchainés de la vie. Mais elles ne sont pas tout ce dont j’ai écopé. La vie ne s’arrête pas à mes limites, parfois j’aperçois d’autres voiles et je vogue vers elle. Alors j’ai l’impression d’atteindre le but que je m’étais fixé : naviguer là où j’ai toujours voulu aller et changer de direction en m’agitant un peu dans ma boule à facettes quand je veux changer de cap.
Je reste maître du gouvernail, même si je ne possède pas plus le vaisseau dans lequel je navigue que lui ne me possède. Ce vaisseau qui me berce depuis l’enfance, me protège et fait de ma boule à facettes une boussole. Mais j’ai appris que je ne suis pas obligée de suivre le nord et que si c’est bien la direction pointée par l’aiguille, les autres sont tout aussi valables. Il n’y a pas plus de limites qu’il n’y a de points cardinaux, ce sont simplement des repères, des interfaces auxquelles s’accrocher. Sans elles, je serais probablement en train de dériver, alors je retape les facettes et les aménage sans jamais plus cacher le matériau d’origine. J’en découpe un bout par-ci, par-là. Un jour peut-être j’aurais plus de pièces nouvelles que de pièces d’origine. Et alors, ce jour-là, avec ce patchwork de limites juxtaposées telle une épave ballotée par la tempête, je m’en irais.
Je vis dans une boule à facettes, chaque limite ne disparait que pour laisser place à une autre. Aucun livre n’explique comment se libérer de ce kaléidoscope, formé par des miroirs qui me reflètent, sans jamais être vraiment moi. Je voudrais sortir de cette boule, mais chaque face m’y ramène inéluctablement, me projetant au mieux vers une autre.
Les liens qui enserrent les limites que je me fixe sont plus serrés à chaque tour sur moi-même. J’ai vu les trente-six facettes, et après ? Je suis fatiguée de jouer de la lyre pour des idéaux qui ne m’entendent pas. Je suis fatiguée de cette litanie que je me sers sur qui je suis et qui je peux être.
Je veux casser les codes, briser les murs et attaquer chacune de ces facettes au piolet. Le plafond de verre qui me maintient dans ma condition de femme. Les lianes du capitalisme qui se resserrent jusqu’à étouffer mes véritables désirs. Femme-lige, servante de tous les idéaux et de tous les capitaux. Les murs capitonnés, recouverts de faux cuir, je veux les déchirer avec mes crocs, afin qu’ils portent ma marque. Car ce n’est pas dans leur simili-confort que je peux m’épanouir. Ils étouffent le son de l’extérieur, ils ligaturent le monde auquel j’ai accès.
Je repousse souvent les murs et la bulle s’épanouit, mais je reste toujours enfermée dedans. Je suis fatiguée de ne pas pouvoir en sortir. Dur de s’affranchir de ce carcan, des limites qu’on s’est construites. Et, quand je finis par peindre l’une des facettes, celle-ci ne me renvoie plus mon reflet, uniquement celui que j’ai voulu y apposer, jusqu’à ce que la couleur passe et que j’y retrouve mon visage.
Pire, elles agissent parfois comme une mise en abime, ne me laissant plus libre de les distinguer les unes des autres et me laissant perdue. Mes limites, j’aurais aimé les construire à partir de rien. Prendre une direction et faire demi-tour quand elle ne me plait plus, jusqu’à me retrouver dans l’endroit qui serait le meilleur compromis pour moi-même. À la place, je rampe comme une limace, laissant une trace baveuse à la surface des éternelles mêmes facettes.
Mais comment quitte-t-on ces sphères ?
Je suis fatiguée des bains de foule pour soigner mon âme. Je suis fatiguée de la solitude qui m’enfonce plus profondément dedans. Alors j’ai commencé à créer des éclats, des petites fissures, des brèches dans chacune des facettes. Je ne vois pas toujours au travers, mais je les abime pour qu’elles aussi subissent ce sort.
Et au travers des brèches, l’air (l’air !) rentre et fait voler mes cheveux en tout sens. L’air du dehors change mon apparence et modifie le visage qui se reflète dans ces multiples facettes. Il sent parfois le printemps, il sent surtout l’espoir et la liesse qu’il existe quelque chose au-dehors. L’imagination repousse mes limites et les rend supportables, elle gomme les lignes pour en faire des zones floues.
Alors je danse dans ma boule à facettes et parle au monde au travers de l’une ou de l’autre. Je m’en amuse plus qu’elles ne m’incommodent, maintenant que je sais quelle liberté les accompagne.
Elles me protègent et me fournissent un vaisseau avec lequel voguer sur les flots déchainés de la vie. Mais elles ne sont pas tout ce dont j’ai écopé. La vie ne s’arrête pas à mes limites, parfois j’aperçois d’autres voiles et je vogue vers elle. Alors j’ai l’impression d’atteindre le but que je m’étais fixé : naviguer là où j’ai toujours voulu aller et changer de direction en m’agitant un peu dans ma boule à facettes quand je veux changer de cap.
Je reste maître du gouvernail, même si je ne possède pas plus le vaisseau dans lequel je navigue que lui ne me possède. Ce vaisseau qui me berce depuis l’enfance, me protège et fait de ma boule à facettes une boussole. Mais j’ai appris que je ne suis pas obligée de suivre le nord et que si c’est bien la direction pointée par l’aiguille, les autres sont tout aussi valables. Il n’y a pas plus de limites qu’il n’y a de points cardinaux, ce sont simplement des repères, des interfaces auxquelles s’accrocher. Sans elles, je serais probablement en train de dériver, alors je retape les facettes et les aménage sans jamais plus cacher le matériau d’origine. J’en découpe un bout par-ci, par-là. Un jour peut-être j’aurais plus de pièces nouvelles que de pièces d’origine. Et alors, ce jour-là, avec ce patchwork de limites juxtaposées telle une épave ballotée par la tempête, je m’en irais.