Fil d’Ariane du forum – Vous êtes ici :ForumCycle 1 : Lignées et Racines: Erreur et Casse-RôleColin-maillard
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Colin-maillard

Je suis trop blanche, trop forte, trop femme. La norme je l’ai bien compris ne laisse de la place que pour les étiquettes, mais quand on essaye de la quitter on retombe dans les mêmes écueils. Il faut toujours se construire par opposition. Pour être quelque chose. Je me suis longtemps cherchée dans ces cases. J’ai été pioché au marché des anti : anti-capitalistes, anti-conformiste… Un jour je suis dans le clan des anti-gaspi : ceux qui goûtent à tout et dévorent la vie. Un autre dans le clan des anti-sociaux où je préfère un livre à un resto. Livrée au prise d'une errance anti-constitutionnelle. Non, il n’était pas question de votre constitution, mais de la mienne.

Je suis fatiguée de l’opposition. À quoi bon apposer des étiquettes lorsque c’est l’étiquetteuse que je voudrais casser. J’ai dû déposer une pellicule antireflets sur mon âme pour que quand tu me regardes tu ne te voies pas en moi. Couche après couche. J’ai choisi de ne pas choisir et de cesser de me définir par rapport aux autres pour ne pas finir privée de moi-même. Il faut renouveler souvent cette protection « anti-air » pour cesser de brasser du vent et arrêter de s’épuiser en battant des ailes qui ne nous vont même pas. Je ne me ferme pas au monde mais j’ai cessé de me simplifier pour les autres. 

J’ai été dans le camp des infidèles, de coeur et de corps, comme dans celui des croyants. Cela ne dit rien de moi, cela dit beaucoup de cette période de ma vie. Je suis arrivée à un noeud et j’ai choisi de quoi le démêler. Celui-là était particulièrement compliqué et je n’avais pas beaucoup d’outils dans la besace de la vie. J’ai appris que la tolérance commence avec soi-même. Un regard bienveillant sur mes erreurs, un regard bienveillant sur mes états d’âme. Je préfère contempler le fil de mon existence comme un mouvement en perpétuelle évolution et je zappe d’un état à l’autre. Je zappe ? Non je transmute car tout est fluide et la matière supporte plusieurs états. Ne le savais-tu pas ? Je sais que l’on se ressemble et qu’on est forgé de la même matière mais c'est la forme nous rend unique. Tellement de possibilité et pourtant on s’obstine à vouloir tous utiliser les mêmes moules.

Je cesse de m’excuser pour qui je suis. Je vois des lueurs d’étonnement parfois, d’incompréhension. J’entends sur moi des « je ne savais pas que… » et parfois je bouscule volontairement les convictions de ceux qui croient bien penser alors que je ne leur ai pas demandé leur avis. Ils sont tellement habitués à leur liste de définition qu’ils ne savent pas comment en sortir. J’aime les voir errer dans mon labyrinthe, lorsqu’ils entrent par une porte et ne trouvent pas la sortie là où elle aurait dû être suivant leurs conventions. 

J’essaye de ne pas rire trop fort, parfois je leur prends la main et je les oriente dans une autre direction. Je les regarde jouer à colin maillard et je garde pour moi les règles de ma propre existence. Essaye encore tu comprendras peut-être la prochaine fois. Tu comprendras qu’il n’y a rien à comprendre, rien à tirer de moi. Tu essayes d’attraper un courant d’air, tu peux saisir un parfum évanescent de moi rien de plus. Si je rentre dans tes stéréotypes parfois c’est que je joue un rôle mais tu ne sais quand même pas où me caser. C’est lorsqu’on est déstabilisé que l’on touche à la vérité. Le poids des cases, conforme ou non conforme, était franchement indigeste et je n’en mangerais plus.